Que sont les aflatoxines et pourquoi s'en préoccuper?

D'où viennent les aflatoxines?

Les aflatoxines sont des métabolites secondaires produits par deux espèces de moisissure, Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus. Ces champignons sont ubiquitaires dans l'environnement, et sont facilement isolés de plantes, du sol, de l'air et de certains insectes. Lorsqu'ils colonisent des plantes cultivées ou du grain, ils parviennent à produire les aflatoxines en quantités suffisantes pour rendre le matériel contaminé impropre à la consommation.

On distingue plusieurs types d'aflatoxines, qui diffèrent légèrement les uns des autres d'après leur structure chimique. Les aflatoxines B1, B2, G1 et G2 sont retrouvées dans les aliments. Les aflatoxines M1 et M2, qui sont des dérivés hydroxylés des aflatoxines B1 et B2, respectivement, peuvent être détectées dans le lait.

Entre autres propriétés, les aflatoxines possèdent un pouvoir génotoxique et carcinogène.  L'aflatoxine B1 est la plus abondante et aussi la plus toxique. A l'instar du virus de l'hépatite B, l'aflatoxine B1 est reconnue par l'Agence internationale de recherche sur le cancer comme un facteur de risque majeur pour le cancer du foie. Elle est l'un des agents carcinogènes d'origine naturelle les plus puissants que l'on connaisse. L'aflatoxine M1 est un agent carcinogène possible.

 

Quels sont les aliments les plus susceptibles d'être contaminés par les aflatoxines?

Les aflatoxines peuvent être présentes dans les aliments tels que les noix, les arachides, le maïs, le riz, les figues et autres aliments secs, les épices, les huiles végétales brutes et les fèves de cacao, suite à une contamination par le champignon, avant et après la récolte. En Haïti, la présence d'aflatoxines a été décelée dans les arachides et leurs produits, incluant le beurre d'arachide, ainsi que dans le maïs et le sorgho.

L’aflatoxine M1 est un métabolite important de l’aflatoxine B1 chez l’homme et l’animal; elle peut être présente dans le lait provenant d’animaux ayant reçu des aliments contaminés par l’aflatoxine B1.

 

Quelles sont les régions les plus affectées?

Les Aspergillus producteurs d'aflatoxines se développent le mieux dans les zones tropicales chaudes et humides. Elles ont été retrouvées dans des aliments provenant de différentes régions d'Haïti.

 

A quelle étape de la filière alimentaire la contamination survient-elle?

Les champignons de type Aspergillus peuvent se développer et produire des aflatoxines à toutes les étapes de la production, de la transformation, de la distribution et de la commercialisation des aliments, dès lors que les conditions sont favorables à leur multiplication. Les températures chaudes et les niveaux d'humidité élevés favorisent leur activité.

La contamination par les aflatoxines peut donc survenir à tout moment, de la ferme à la table. Elles ne changent pas l'apparence ni le goût des aliments et restent donc indétectables. Elles ne sont pas détruites par les procédés couramment utilisés en cuisine, tels que la cuisson ou la fermentation.

 

Quels sont les effets des aflatoxines sur la santé?

Si l'exposition à des niveaux très élevés d'aflatoxines peut se révéler fatale, l'exposition chronique à de faibles niveaux peut conduire au cancer du foie et provoquer une immunosuppression. Elle est aussi responsable de retard de croissance chez les enfants. On estime que, au niveau mondial, environ 30% des cancers du foie pourraient être liés à une exposition aux aflatoxines.

Chez les animaux d'élevage, les aflatoxines peuvent provoquer des pertes de poids et des décès. Le lait, la viande ou les oeufs obtenus d'animaux nourris avec de la moulée contaminée peuvent contenir des aflatoxines.

 

Comment peut-on mesurer l'exposition d'une population aux aflatoxines?

Il est possible d'estimer le niveau d'exposition d'une population aux aflatoxines en déterminant le taux de contamination d'échantillons d'aliments et en corrélant les données ainsi recueillies avec le résultat d'enquêtes nutritionnelles.Certaines techniques fournissant des mesures plus précises font plutôt appel à des biomarqueurs, qui sont des indicateurs objectifs du niveau d'exposition d'une personne. Les biomarqueurs souvent utilisés incluent les adduits d'aflatoxine-N7-guanine présents dans l'urine, qui témoignent d'une exposition depuis le dernier jour, le métabolite hydroxylé de l'aflatoxine B1 (ou aflatoxine M1), présente dans le lait et qui reflète l'exposition depuis les dernières 24 heures, et l'adduit d'aflatoxine et d'albumine retrouvé dans le sérum sanguin. La demi-vie de  ce dernier biomarqueur est d'environ 2 mois, ce qui permet d'évaluer l'exposition chronique aux aflatoxines.

 

Comment prévenir la contamination des aliments par les aflatoxines?

 Plusieurs précautions peuvent être prises, soit avant la récolte, soit encore après la récolte, en vue de réduire la teneur de l'arachide, du maïs et d'autres produits en aflatoxines. On peut chercher à réduire les stress biotiques et abiotiques auxquels les cultures sont exposés, par exemple en s'assurant d'une bonne irrigation et en luttant efficacement contre les maladies et les ravageurs. Il convient aussi de réaliser la récolte au bon moment et d'assurer une gestion appropriée des résidus de culture. On peut aussi recourir à la lutte biologique, faisant appel par exemple à des souches d'Aspergillus ne produisant pas d'aflatoxines, qui entrent en compétition avec les souches productrices et limitent donc leur capacité de colonisation. Par ailleurs, certaines variétés végétales peuvent être moins favorables à la colonisation par les champignons que d'autres.

Les stratégies post-récolte font appel à un séchage adéquat, suivi d'un entreposage dans des sacs étanches qui protègent bien les grains contre une contamination par le champignon. Il convient d'entreposer les grains dans des entrepôts propres et secs, à l'abri des rongeurs et des insectes. Le tri des grains et des gousses contaminées, décolorées ou endommagées, s'avère également un moyen efficace de prévenir la contamination des aliments par les aflatoxines.